A la découverte d’Houten, paradis du paradis des cyclistes
Interview de André Botermans, ambassadeur international du vélo
En octobre 2019, Thierry Roch, président de l’AU5V, a suivi une formation au Brevet Initiateur Mobilité à Vélo en itinérance aux Pays Bas organisé par Espace PAMA de Chalon-sur-Saône.
Au delà de l’apprentissage des bons réflexes à vélo, cette formation a été l’occasion de
rencontrer des acteurs de la mobilité à vélo aux Pays-Bas. A Houten, avec Judith de l’Espace PAMA, ils ont rencontré André Botermans, Ambassadeur International du vélo.
Houten (Pays Bas) est à 30mn en train d’Amsterdam, dans la province d’Utrecht.
Sur le quai de la gare, on surplombe un immense parking à vélo (3000 places) accessible directement depuis le quai via un ascenseur ou des escaliers. En quelques minute, je choisis un engin de location
‘Ovfiets’ de la compagnie des Chemins de fer, avant de retrouver André Botermans qui nous attend avec son vélo de service en bois siglé à l’image de la ville (André est employé par la municipalité depuis 2001). Houten c’est le « paradis du paradis des cyclistes » lance- t-il en guise d’introduction
avant de nous accompagner à vélo jusqu’à la mairie pour échanger autour d’un café.
Entretien
C’est quoi, être le « paradis du paradis des cyclistes » ?
Pour une ville telle qu’Houten, porter une telle réputation engendre de la curiosité et un tourisme d’étude sur la ville : près de500 touristes par an viennent du monde entier étudier le système vélo déployé à Houten. Et pour cause : Dans chaque quartier il y a une piste cyclable à coté d’une école primaire, pour permettre aux enfants d’y aller à pied ou avec leurs parents à vélo, une décision prise par Houten dans les années 70 afin d’éviter de devenir une ville dominée par la voiture, c’était un choix politique. L’idée c’est qu’il n’y a pas à s’occuper des voitures elles se débrouillent très bien toutes seules pour utiliser tout l’espace et au-delà. Dans un monde libéral, si vous laissez tout le monde sur le même espace sans régulation, les voitures vont dominer par leur taille, puis les vélos. Il ne s’agit pas d’une guerre entre vélos et voitures :
le vélo c’est pour les courtes distances. Que veulent les gens ? Pour beaucoup, c’est de la liberté. Pour moi la voiture est une prison.
Comment ce paradis a-til vu le jour ?
Dans les années 70, Houten était un village de 4000 habitants. Situé dans la province d’Utrecht, quatrième ville des Pays-Bas. Houten a été choisie comme ville nouvelle avec un objectif de 55000
habitants (elle en compte 45000 aujourd’hui). Le programme de développement de la ville a été étudié et réalisé avec pour objectif de se concentrer sur les enfants et sur les habitants. Houten
avait pour intention d’être une ville vivable, une ville où la planification urbaine est plus importante que la planification du trafic routier.
Quels en sont les grands principes ou les grandes lignes ?
La gare est au centre de la ville. Du parking à vélo sous la gare, on peut
bénéficier de services vélos (réparation, location, achat et stationnement) mais aussi prendre un café. Pour éviter toute circulation de voitures en transit, une rocade routière entoure la ville et dessert
tous les quartiers. Par contre, pour les voitures, chaque quartier est étanche, pour aller de l’un à l’autre des quartiers il faut emprunter la rocade. Les voitures sont acceptées comme invitées mais pas
pour le transit. Priorité aux enfants, aux personnes, aux piétons aux vélos puis aux voitures. Ce n’est pas logique ni rationnel à Houten d’utiliser une voiture pour se déplacer. Pour des planificateurs urbains tels que moi, le problème principal est comment faire en sorte en toute intelligence que les gens ne soient pas obligés de prendre la voiture, le train le bus.
Et aujourd’hui, quels sont les problèmes que vous rencontrez ?
Les problèmes que nous devrons désormais résoudre, c’est la qualité, la maintenance des routes. Le
gouvernement est devenu plus libéral et il n’y a plus d’argent pour les communes. Depuis la crise de 2008, les communes demandent aux gens de les aider à faire l’entretien des espaces publics, alors
qu’ils payent des impôts pour ça. Les maires actuels n’apportent pas d’idée, ni de vision, ils demandent aux gens ce qu’ils veulent. Et la réponse est toujours moins de vitesse pour les voitures et plus de parkings pour les voitures ;-)
Par exemple, au sujet d’un point noir au centre de Houten à un carrefour, la commune a demandé sur Facebook comment ils pourraient le sécuriser. C’est une démarche un peu populiste. Laissez
les experts traiter ces problèmes.
Vous dites préférer étudier les problèmes de développement urbain sur le terrain et de préférence à
vélo ?
Vous pouvez comparer cela à l’achat d’une maison. Si vous regardez la photo dans la brochure, vous verrez une maison individuelle avec une vue magnifique, un ciel bleu et un grand jardin. Mais si vous regardez sur place, il apparaît que la maison est encastrée entre d’autres maisons avec un mètre d’écart, une usine et presque aucun jardin. Voilà comment cela fonctionne avec la planification urbaine. Allez observer sur place et vous aurez une bien meilleure impression de la situation, des possibilités et des risques.
Que pourriez vous conseiller pour la cyclo-politique à venir et à développer en France ?
Il n’y a jamais eu d’accident cycliste mortel à Houten, à regarder vos statistiques d’accidentologie en France, je suis très surpris par le nombre de cyclistes tués (175 en 2018, 184 en 2019). La différence est aujourd’hui trop grande entre les Pays-Bas et la France pour calquer le modèle, mais il y a de
belles idées à partager.
Cet article est paru pour la première fois dans notre bulletin annuel.
Télécharger l’article